Thème de l'année 2008-2009

Peut-on construire son avenir...... sans effort ?

Elles ne sont pas rares les appréciations sur les bulletins scolaires, qui évoquent l’effort : « efforts insuffisants », « efforts à poursuivre », « efforts à continuer », « doit redoubler d’efforts » et « le Conseil de classe apprécie ses efforts »…. Les enseignants, réunis en Conseil de classe, ou le Préfet qui veille sur le parcours scolaire de chaque élève, utilisent souvent l’une ou l’autre de ces expressions pour apprécier à sa juste valeur ce que l’élève, en être conscient et réfléchi, a mobilisé comme forces et moyens, diligence et sérieux pour aboutir aux résultats qu’on attend de lui. Quel serait donc le sens de ces appréciations ?

L’effort, mot magique, puisqu’il appelle à employer sa force, son adresse et son intelligence pour atteindre un but, signifie faire son possible pour vaincre une certaine résistance, extérieure ou intérieure, et qui empêche d’avancer. Tension de l’esprit qui cherche à résoudre un problème d’ordre intellectuel, l’effort suppose parfois un peu de souffrance et beaucoup de volonté ; c’est pourquoi on peut le percevoir comme quelque chose de désagréable.
L’entraîneur, qui encourage son coureur de fond ou son équipe, ne leur répète-t-il pas sans relâche : « on y est, encore un effort, continuez… ». Et que d’efforts et d’endurance déployés par l’alpiniste qui escalade les hauteurs pour atteindre les sommets, malgré le froid et la glace ? Nous avons écouté, ici même à Jamhour, le témoignage de l’alpiniste libanais Maxime Chaya qui a atteint le sommet de l’Everest ; il nous avait affirmé que sans effort physique, il n’aurait pas pu y arriver, mais que l’effort prenait son départ à l’intérieur de soi, de la volonté qu’on a à vouloir se dépasser. C’est bien là la marque d’une personnalité hors du commun.

Oui, l’effort est une qualité recherchée. Si l’éducateur l’impose, si l’entraîneur l’exige, c’est parce qu’ils savent l’élève capable d’avancer d’une manière autonome, parce qu’il possède les potentialités et les capacités nécessaires. Ainsi, l’aventure de l’acquisition du savoir nécessite un effort et de l’application. Il me semble bon de relever quelques points :
L’effort ne peut être  intermittent et temporaire, il requiert de la constance. Il est important, sinon nécessaire, de calculer l’intensité de ses efforts. Il est évident que l’on doit se reposer après une longue course. Mais, dans le cas du travail scolaire, comment définir l’effort du travail au jour le jour, de l’application au quotidien, du suivi attentif des cours ? Tout commence par la qualité de notre présence en classe, de notre degré d’attention… L’effort consiste ici à rester concentré, à ne pas se laisser perturber par les bruits d’à côté ou à ne pas troubler l’ordre indispensable pour éveiller son désir et sa volonté d’apprendre. Dépendre des cours particuliers, compter sur les photocopies des notes prises par les autres camarades sont là des attitudes de l’élève démissionnaire qui n’envisage de fournir aucun effort.

« Efforts à redoubler » : cette appréciation concerne l’élève qui se contente de ne faire fructifier qu’une partie de ses talents. C’est peut-être l’élève qui ne travaille pas assez, ou qui n’est pas conscient de ses potentialités ou qui se contente de calculer ses notes en fonction de la moyenne qui lui permettra d’assurer son passage à la classe supérieure en fin d’année, sans rien de plus ! Cet élève, n’est-il pas le serviteur de la parabole de l’Évangile, celui qui n’a pas voulu placer l’argent de son maître et qui a préféré le cacher pour le remettre tel quel à son Seigneur (Matthieu 25, 14-29) ? Si les notes ne disent pas tout, elles restent un indicateur fiable pour l’élève et pour ses éducateurs. Mais, peut-on dire d’un élève qui n’a fait fructifier que la moitié de ses talents qu’il a réussi sa formation scolaire ? Un élève qui compte sur une matière, au détriment d’une autre qui exigerait de sa part plus de travail et d’assiduité, comme, par exemple, les langues ? Peut-on dire de lui qu’il a acquis ses lettres de noblesse ?   « Il n’y a pas de loi plus funeste que celle du moindre effort », écrivait André Gide !

Déployer ses forces, faire appel à toutes ses ressources intellectuelles et spirituelles, fournir un effort ne sont pas une activité aveugle et désordonnée. Dans ce domaine, la règle d’or est de bien orienter son effort en bien gérant son temps, en établissant des priorités et en fixant convenablement son agenda quotidien. Il n’est pas vain le proverbe chinois qui dit : « cultivons le sens de l’effort ». Il ne suffit pas de déployer des efforts, parfois ces efforts sont stériles et ne rapportent aucun profit si je n’oriente pas mes forces dans le bon sens, si je suis fatigué ou si je n’ai pas la vision globale de ce que je dois réaliser. Si j’hésite sur un chapitre ou sur une notion que je n’arrive pas à assimiler, si je suis désemparé et que je n’arrive plus à faire de mon mieux, il vaut mieux laisser de côté un moment ce chapitre ou cette notion, et focaliser mes efforts sur des parties plus abordables. C’est surtout à ce moment que je peux compter sur mes professeurs et sur le tuteur de ma classe ; ils me fourniront l’aide nécessaire pour concentrer mes efforts selon le meilleur angle, pour stimuler ma motivation et me permettre d’avancer.

Que d’élèves n’ai-je vus, au cours des mes années d’éducateur, manifester leur joie suite à un effort dépensé, à des progrès enregistrés et des résultats acquis, et conquis, une fois l’objectif atteint. L’effort est moins couronné par les résultats que par le progrès réalisé. Il est nécessaire de considérer le progrès dans les savoirs avant de se pencher sur les chiffres. Les Latins sont d’ailleurs persuadés que « la victoire aime l’effort ».  Saint Ignace de Loyola, dans ses Exercices spirituels, mettra l'accent sur la pédagogie de l'exercice qui est basée sur l'activité personnelle, la réflexion et l'intelligence de l'élève. C’est quand les élèves ont bien compris le sens de l’effort prodigué et qu’ils ont goûté au plaisir d’avoir atteint leur objectif qu’ils deviennent aptes à dépenser encore d’autres efforts et à se dépasser. Ils sont alors de plus en plus confiants en eux-mêmes. Ils ne sont plus tributaires du simple devoir d’apprendre. Ils recherchent le plaisir et la joie d’apprendre ; ils se forgent une forte et riche personnalité et contribuent à la construction de la cité de demain. Leur goût et leur désir d’apprendre ne cesseront de grandir en même temps qu’eux.

Il est vrai que notre Collège offre des activités sportives, culturelles, spirituelles et sociales qui soutiennent notre effort et notre travail intellectuel. Dans ces activités, vous ferez l’expérience du labeur collectif, développant ainsi la solidarité qui vous unit en tant qu’élèves. Cette solidarité, au niveau du travail académique, se traduit par l’aide qu’apportent certains à d’autres, pour que tous progressent et réussissent leur scolarité. Quand il y a réussite, elle ne sera pas attribuée à une minorité ou à quelques personnes, parce que la mission d’un Collège jésuite est d’accompagner et de conduire chacune et chacun, au sein de la communauté scolaire, à la plénitude de ses possibilités.

Salim Daccache, s.j.
Recteur