Parents : votre rôle dans l’orientation de vos enfants

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Depuis de nombreuses années, le taux d’échecs au baccalauréat français est dérisoire au Collège, étant régulièrement égal à zéro. En outre, le système d’équivalence1 dispense pratiquement nos élèves de la présentation des épreuves du bac libanais. Qui plus est, le nombre de mentions obtenu par nos élèves au baccalauréat français est considérable. À titre d’exemple, à la session de 2014, on comptait 243 mentions Très Bien, Bien et Assez Bien sur un total de 259 candidats. Il convient de se rendre à l’évidence et de constater que l’échéance du bac n’est plus vraiment un enjeu réel pour nos élèves. Au point que l’une des promos de NDJ a adopté comme logo de fin d’année un diplôme - le bac – en poche… Forts de cette certitude, quelles raisons pousseraient encore nos élèves à travailler, surtout en classe de Terminale ?

Les motivations au travail

Les motivations au travail existent pourtant bel et bien. Pour commencer, il y a évidemment le diplôme du Collège, qui reflète le véritable niveau de l’élève puisqu’il sanctionne son parcours au secondaire, (de la 2de à la Terminale). Reconnaissons toutefois qu’aux yeux de nos jeunes, ce diplôme a surtout une valeur morale et affective, dans le sens où l’on est fier d’appartenir à Jamhour. Mais quelle est son utilité ?

Quand il sait que son dossier scolaire (à partir de la classe de 2de) est essentiel pour son admission à la majorité des grandes universités, aussi bien au Liban qu’à l’étranger, l’élève est susceptible de s’investir dans le travail. Mais la majorité des élèves de Terminale arguent qu’il s’agit surtout des notes de 2de et de 1re, à la rigueur celles du premier trimestre de Terminale…

La troisième motivation réside dans la préparation de l’élève de Terminale aux divers concours – par exemple ceux de médecine ou d’ingénierie – qui tiennent compte de l’ensemble du programme scolaire du cycle secondaire, pour peu que ces concours soient présentés en juin. Mais là encore, il y a lieu d’objecter puisque seule l’admission à la Faculté de médecine de l’USJ exige un tel concours. En effet, l’élève peut être admis sur dossier ou sur titre (mention Très Bien au Bac) à l’École Supérieure d’Ingénieurs de Beyrouth. Quant aux universités américaines, elles requièrent uniquement les notes de 2de – 1re, un certain score au SAT et le bac. Pourquoi donc travailler en Terminale ?

En réalité, seule la perspective de ses études universitaires devrait motiver l’élève à travailler jusqu’à la dernière minute de sa vie scolaire. Ces mêmes études, à quoi lui serviraient-elles sinon à lui permettre de s’engager dans une carrière professionnelle, lui garantissant deux critères de la réussite professionnelle, en l’occurrence son épanouissement personnel et la sécurité financière ? D’où l’importance à donner au travail dans la perspective. En effet, le choix de ses études supérieures ne dépend-il pas de son choix de métier ? C’est là que votre contribution en tant que parents devient indispensable, dans la construction du projet personnel de votre enfant et ce, à partir de la classe de 2de.

Le mythe du conseiller d’orientation

Avant d’aborder le sujet de votre contribution, en tant que parents, à l’élaboration du projet personnel de votre enfant, il convient d’abord de faire un sort à certains préjugés concernant le rôle du conseiller d’orientation au Collège :

• Premier mythe : le CO (conseiller d’orientation) sait où le jeune doit se diriger. Faux : le rôle du CO n’est pas de dicter à l’élève un quelconque projet de carrière.

• Deuxième mythe : le CO est un expert qui est là pour s’occuper de l’orientation de mon enfant. Faux : l’orientation concerne tous ceux qui gravitent autour du jeune. En effet, on ne peut ignorer l’influence de l’entourage. Très souvent - surtout au Liban - les seuls modèles professionnels que côtoie l’adolescent sont issus de sa famille.

• Troisième mythe : le CO n’a qu’à faire passer un test d’orientation à mon enfant. Faux : les tests ne sont pas magiques. Ils donnent des indications mais ne sont pas déterminants.

En résumé, tout au long du cycle secondaire, le CO accompagne le jeune dans sa connaissance de soi et de ses capacités, l’aide à explorer et à exploiter concrètement l’information universitaire et professionnelle, à confirmer enfin son projet professionnel et sa réalisation.

 

Le jeune et l’indécision

Pour mieux réaliser l’importance et la portée de votre contribution, vous parents, dans le processus d’orientation, il est nécessaire de commencer par cerner les peurs que vit l’adolescent, et les manques dont il souffre dans ce cadre.

• De quoi a-t-il peur ? De l’erreur, de l’échec, de l’inconnu et de la désapprobation de son entourage.

• Quels sont les manques dont il souffre ? Le manque d’expérience, d’organisation, d’informations et de vision. Paradoxalement, à ce manque d’informations peut parfois se substituer une surcharge d’informations, dans la mesure où, grâce notamment au Web, l’accès à une multitude d’informations devient très aisé. D’où la difficulté de faire un choix…

• Il faut avouer aussi que l’attitude des parents ne facilite pas toujours la tâche du jeune. Elle se traduit souvent par les expressions suivantes :

« Mon fils doit choisir un domaine où il y a de l’emploi. » « Ma fille pourra accomplir ce que je n’ai pas pu faire. » « Mon fils ne doit pas se tromper. » « Les jeunes sont incapables de se décider. » « Mon enfant ignore ce qui est bon pour lui. » « Je le connais, ce n’est pas pour lui, il devrait… » « Il serait capable de faire médecine s’il le voulait. »

 

Vos inquiétudes de parents

Bien que soucieux de l’avenir de leur enfant, certains parents mettent hélas du temps à réaliser combien il est important de commencer à l’aider à faire des choix dès la classe de 2de. Et quand ils en prennent conscience, ce n’est pas sans inquiétude : « Où puis-je trouver de l’aide pour accompagner mon enfant dans son processus d’orientation? » « Comment aider mon enfant à faire des liens entre ses capacités, ses affinités et les professions? » « Que faire si mon enfant ne semble avoir aucun projet de carrière? » « Mon jeune doit choisir pour la vie. » « Mon enfant doit absolument choisir la filière scientifique qui lui ouvre toutes les portes. » « Je ne suis pas d’accord avec les choix de mon jeune. »

S’il n’y a pas nécessairement de bonnes réponses à cette anxiété, reconnaître les capacités et les goûts de votre enfant est fondamental dans son processus de la connaissance de soi. Pour ce faire, il est bon de savoir écouter, de révéler le jeune à lui-même, d’explorer avec lui, de le motiver par l’action, de dédramatiser et de tolérer l’incertitude.

 

Quelques conseils

1-  Écoutez

Pour être de bon conseil, soyez simplement attentifs aux aspirations et aux préoccupations de votre enfant.

Au dîner, devant la télé ou en voiture, votre jeune vous parle. Il mentionne par exemple qu’il aime son cours de maths parce que c’est facile pour lui, qu’il adore jouer au foot parce qu’il aime bouger, qu’il aime « chatter » parce que les relations humaines sont importantes dans sa vie, etc. Bref, il vous parle !

2- Révélez le jeune à lui-même

Vous détenez, sans le savoir peut-être, des informations pertinentes qui peuvent aider votre enfant à découvrir et à clarifier ses intérêts, ses talents et ses valeurs.

Il vous suffit notamment de lui rappeler certains des projets scolaires ou parascolaires qu’il a aimés, ou encore des activités qui l’intéressaient quand il était plus jeune.

Vous pouvez faire ressortir ses points forts (plutôt que ses faiblesses) pour l’encourager à développer une vision positive de lui-même.

 

3- Explorez

L’exploration du marché du travail peut s’avérer une activité à la fois enrichissante et amusante, autant pour vous que pour votre enfant, ainsi que la navigation sur des sites Internet spécialisés en matière d’orientation. Dès la classe de 2de, le Collège lui fournit des adresses fiables ; proposez-lui de les explorer avec vous.

 

4- Témoignez

Vous pouvez parler de votre vie professionnelle, incluant vos bons et moins bons moments. Comment avez-vous décroché votre poste actuel ? Quel est votre parcours scolaire et universitaire ? Quels sont vos prochains défis ?

En partageant avec votre enfant ce qui vous fait vibrer dans votre travail, ce qui donne un sens à votre propre vie professionnelle, vous devenez une référence positive quant à cette vie après les études.

 

5- Motivez par l’action

Encourager par l’action consiste à vous intéresser aux réussites de votre enfant, en prenant le temps de discuter des moyens qu’il a utilisés pour concrétiser une quelconque activité, par exemple. « Comment tu as fait pour réussir ce projet, malgré toutes les difficultés? » « Est-ce que tu travailles depuis longtemps à la réalisation de cette activité? » « D’où te vient cette excellente idée? » L’objectif est de lui faire prendre conscience de l’efficacité de son comportement dans une situation donnée. C’est ce qu’on appelle développer son sentiment d’efficacité personnelle ; en somme, la confiance en sa capacité de réussir.

 

6- Dédramatisez

L’élève doit savoir qu’il n’existe pas un meilleur choix, mais que plusieurs options possibles s’offrent à lui. Il sera toujours temps, au cours de son cheminement scolaire, d’apporter des changements. Montrez-vous patient et gardez confiance.

C’est important d’accompagner votre enfant, de lui laisser le temps de réfléchir et, surtout, de respecter le fait que le choix professionnel lui appartienne.

 

7- Tolérez l’incertitude

C’est normal que le jeune, au cours de son processus d’orientation, change d’idées, explorant des domaines complètement opposés : un jour, il se voit médecin, et le lendemain avocat.

Cette exploration est saine, elle l’aide à mieux se connaître et lui permet de découvrir un monde de possibilités.

Votre rôle est de l’accompagner simplement dans cette exploration : montrez-lui de l’intérêt et essayez de comprendre quelles sont les raisons qui motivent ses choix.

 

En conclusion, souvenez-vous de ces 5 points efficaces qui vous aideront dorénavant dans l’orientation de votre enfant qui est, rappelons-le encore une fois, l’affaire de tous, la vôtre, la nôtre et la sienne :

1) Aidez-le à mieux se connaître

  • « Je trouve que tu fais preuve de… »
  • « Tes principales qualités sont… »
  • « Quelles sont les réussites dont tu es le plus fier? Pourquoi? »

2) Ne vous moquez pas de ses idées, il est en exploration

  • N’éteignez pas son enthousiasme, ne jugez pas.
  • Interrogez-le, intéressez-vous à son point de vue afin qu’il approfondisse sa réflexion.
  • Montrez-lui que vous vous souciez de son choix et cherchez ENSEMBLE des renseignements utiles.

3) Aidez-le à repérer les obstacles

  • « Crois-tu que ta vie sera différente de la mienne ? de celle de tes grands-parents ? Pourquoi ? »
  • « Qu’est-ce qui t’aiderait à atteindre ton but ? »
  • « Qu’est-ce qui pourrait t’empêcher d’atteindre ton but ? »

4) Soyez un bon entraîneur, incitez-le à sortir de l’inertie

  • « Aimerais-tu rencontrer quelqu’un qui fait ce métier ? »
  • « Aimerais-tu que nous fassions ensemble une liste des choses à faire pour t’aider à prendre ta décision ? »

5) Servez de modèle

  • « Aimerais-tu visiter mon milieu de travail ? »
  • « Veux-tu savoir comment j’en suis arrivé là ?… »
  • « Sais-tu ce que j’aime le plus dans mon travail ? Ce que j’aime le moins? »

Bref, essayez de lui présenter une image motivante et réaliste du monde du travail.

Et surtout, n’oubliez jamais qu’accompagner, c’est avant tout reconnaître et écouter.

José Jamhouri

Directeur de l’Orientation - CIO

 

 

1- Conformément à un protocole conclu entre l’État libanais et l’État français et renouvelé tous les cinq ans, le baccalauréat français est admis comme équivalent au bac libanais, ce qui permet à l’élève de s’inscrire à une université libanaise au même titre que le détenteur du bac libanais.

Références et sources d’inspiration

FALARDEAU , I. et R. Roy. S’orienter malgré l’indécision – À l’usage des étudiants indécis et de leurs parents déboussolés, Québec, Septembre éditeur, 1999.

FALARDEAU, I. et M. Guénette. Comment aider vos jeunes explorateurs à s’orienter dans leur vie, Québec, Septembre éditeur, 2003, 31 pages.

FALARDEAU, I. Sortir de l’indécision, Québec, Septembre Éditeur, 2007, 155 pages.

Mon enfant, son avenir. Partenaires de la réussite éducative des jeunes dans les Laurentides – PREL (http://www.choixavenir.ca/parents/orientation-jeune/references-theoriques).

Parents mélangés, Guide pour les parents qui s’interrogent sur l’avenir de leur jeune, Fédération des commissions scolaires du Québec.

Informations tirées du Power Point produit par l’Ordre de conseillers et conseillères d’orientation du Québec en 2010. « Pour aider son enfant à s’orienter, le rôle des parents dans l’orientation de leur enfant.