L'orient-Le Jour : "Before I die"

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Liban : 40e anniversaire de la guerre libanaise : « Avant de mourir, je veux que le Liban... »
Marie TIHON | OLJ - 14/04/2015

Des étudiants se sont réunis sous le pont Fouad Chéhab, lieu emblématique de la guerre civile à Beyrouth, pour compléter la phrase : « Avant de mourir, je veux que le Liban... » Grâce à cette initiative, la nouvelle génération souhaite prouver sa détermination à reconstruire la société civile libanaise.

« Ceux qui pensent qu'il n'y a plus d'espoir pour ce pays, qu'ils viennent voir ce pont », déclare joyeusement Thérèse Keyrouz, élève en terminale au Collège Notre-Dame de Jamhour. Les étudiants de la promotion 2015 ont organisé un événement bien particulier pour commémorer ensemble les 40 ans de la guerre civile au Liban. En repeignant les colonnes du pont Fouad Chéhab, ils ont cherché à faire passer un message positif en faveur d'une société moins indifférente. « Avant de mourir, je veux que le Liban soit un modèle de coexistence », écrit fièrement un jeune homme.

Thérèse Keyrouz, étudiante de la promotion 2015, est à l'origine de ce projet. Après avoir pris connaissance du mouvement international Before I die walls, initié par Candy Chang en 2011 à La Nouvelle-Orléans, elle a décidé de le libaniser et de créer un comité en charge de cet événement dans son école. « J'ai voulu adapter ce concept au Liban pour encourager les gens à s'intéresser davantage à leur propre pays », explique-t-elle, souhaitant que les Libanais soient fiers de leur patrie. Elle regrette pourtant qu'« ils ne fassent pas plus d'efforts : ils polluent leur terre, ils ne connaissent plus l'hymne national, ils ne s'impliquent pas assez ». Marianne Zoghbi, membre du comité, surenchérit : « Mais il y a encore de l'espoir, la jeunesse est là. On aime notre pays et on a toujours notre mot à dire... »

Écrire une histoire commune
Émile Riachi, 17 ans, est lui aussi prêt à s'engager pour une identité commune. « Avant de mourir, je veux que le Liban soit une nation libre, indépendante et unie », inscrit-il. Il déplore pourtant le manque d'information sur la guerre civile : « À l'école c'est catastrophique, on ne reçoit pas assez d'enseignements sur la guerre. Généralement, ces mémoires se transmettent en famille, ce qui ne fait qu'ancrer davantage le clivage des confessions. » Très perspicace, il ajoute : « Si chaque communauté s'enferme dans son propre roman de la guerre, on refera sans cesse les mêmes erreurs. » À travers ses propos, ce jeune homme souligne l'importance du rôle de la société civile.
C'est d'ailleurs dans cette même optique que s'inscrit le choix du lieu de l'événement. Le Ring Fouad Chéhab représentait la plus symbolique des voies de passage entre Beyrouth-Ouest et Beyrouth-Est entre 1975 et 1990. D'un point de vue historique ce lieu est très important, mais c'est aussi « un symbole de l'unité : le pont est un lien entre les communautés et les poteaux représentent les Libanais qui résistent pour supporter le pont », explique Georges Geha, membre du comité organisateur.

Une relève assurée
Zeina Zoghbi, la maman de Marianne Zoghbi, est très fière de sa fille : « Elle s'est beaucoup investie dans ce projet. Elle n'a pas vécu la guerre, mais je lui ai raconté mon expérience pour qu'elle ne vive jamais cela. » La maman est nostalgique de l'époque d'avant-guerre : « Je me souviens de tout ce qu'on a perdu. Le Liban, c'était le bijou du Moyen-Orient. »
Nagy el-Khoury, secrétaire général de l'Amicale des anciens du collège Notre-Dame de Jamhour, est admiratif devant le combat qu'ont choisi de mener ses élèves : « Je suis sûr qu'ils font partie de la génération du changement, ils ont voyagé, certains se sont formés à l'extérieur, mais pourtant ils sont revenus avec un désir profond qu'on les laisse faire. » Interrogé sur le manque de manuels scolaires concernant la guerre civile, il fait remarquer qu'« il faut du temps pour écrire l'histoire ».
Selon Nagy el-Khoury, il est temps que l'ancienne génération ait la « modestie » de se mettre à l'écart. « On ne peut qu'encourager ces jeunes à s'engager dans la société pour devenir de véritables acteurs du changement », conclut-il.

 


Le comité organisateur réuni hier sous le pont Fouad Chéhab.

 


En repeignant les colonnes du pont Fouad Chéhab,
les jeunes ont cherché à faire passer un message positif
en faveur d’une société moins indifférente.