L'Orient-Le Jour : Enfin, un Centre du patrimoine musical libanais !

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Par Zéna ZALZAL | 05/09/2012

Initiative Collecter, préserver, faire connaître aussi bien au grand public qu’aux mélomanes tout ce qui touche aux sonorités « made in Lebanon ». Telle est la mission du Centre du patrimoine musical libanais, qui sera inauguré le 6 octobre prochain au Centre sportif, culturel et social du Collège Notre-Dame de Jamhour.


Zeina Kayali et Joumana Hobeïka veulent sensibiliser
le public libanais à « sa » musique.Photo Michel Sayegh

Il était temps qu’un effort de mise en valeur des richesses musicales libanaises soit enfin réalisé. Qu’une initiative soit prise pour braquer les projecteurs sur la diversité des œuvres des grands compositeurs libanais à travers la présentation de leurs écrits sur la musique classique, savante, traditionnelle ou contemporaine sous forme manuscrite, imprimée, sonore et audiovisuelle... C’est désormais chose faite grâce à l’initiative privée – comme toujours dans ce pays! – et, surtout, grâce à la rencontre de deux femmes portées par leur enthousiasme. Zeina Saleh Kayali, mélomane passionnée et auteure du tout premier ouvrage recensant les 132 Compositeurs libanais des XX et XXIe siècles (éd. Séguier), et Joumana Hobeïka, vice-présidente du comité directeur du Centre sportif, culturel et social du collège.
Au cours de la présentation de son ouvrage sur les musiciens du pays du Cèdre en novembre dernier, Zeina Saleh Kayali avait émis le souhait qu’un centre d’archives et de documentations musicales soit un jour fondé au Liban. L’appel à peine lancé, le père Sion (recteur du collège) et Joumana Hobeïka y répondent en invitant Zeina Kayali à se charger de sa mise en place au sein du campus de Jamhour. Moins d’un an plus tard, grâce à leur extrême réactivité, le Centre du patrimoine musical libanais est érigé. Installé dans un local du Centre culturel de Jamhour, il sera officiellement inauguré le 6 octobre prochain.

«Ce centre s’adresse à tout le monde*, aussi bien aux mélomanes et musiciens qu’aux étudiants, programmateurs de concerts ou encore aux simples curieux qui ont envie de découvrir la musique libanaise», proclament en chœur les initiatrices de ce projet. Qui, en quelques mois à peine, ont réussi à collecter auprès des compositeurs et grands interprètes libanais ou des ayants droit de musiciens décédés toutes sortes de documents et d’archives en relation avec leur travail. «Gabriel Yared, Walid Hourany, Zad Moultaka, Karim Haddad, André Hajj et bien d’autres nous ont confié, les uns de la documentation, les autres des lettres, photos, partitions manuscrites, bandes-son, archives télévisuelles... Ce qui nous a permis de réunir quelques pièces rarissimes», s’enthousiasme Zeina Kayali.

«Nous avons, par exemple, une série de DVD et de CD de toutes les émissions de radio et télévision de Georges Farah, un compositeur très méconnu, qui fut dans les années cinquante le fondateur de la section orientale du Conservatoire national. Gabriel Yared nous a confié une série de DVD de toutes les émissions auxquelles il a participé (France Musique, Radio Classique, télévisions internationales...). Ziad Akl nous a donné une extraordinaire série d’enregistrements inédits de son frère, le grand pianiste Walid Akl, décédé prématurément à 52 ans, ainsi que des copies de l’ouvrage qu’il a écrit sur Jules César et la musique. Nous avons obtenu également des partitions manuscrites de Béchara el-Khoury et de Toufic el-Bacha, ainsi que des correspondances entre ce dernier et d’autres grands musiciens. Des œuvres inédites de Georges Farah ou de Boghos Gélalian... Un dossier d’articles parus dans L’Orient en 1937 sur les petits chanteurs de l’USJ, un ensemble choral des années 30 qui était dirigé par Bertrand Robillard, le grand organiste et compositeur français. Les archives de Georges Baz, compositeur et critique musical pendant 50 ans à la Revue du Liban. Ainsi que des documents plus intimes, comme la correspondance enflammée qu’entretenait le pianiste français Samson François, grand interprète de Ravel, Chopin et Debussy, avec une grande pianiste libanaise.»

Yared, parrain du projet
Cheryl Ghostine, à la fois musicienne et conservatrice, sera en charge du Centre du patrimoine musical libanais. «Elle a été formée à l’IMEC (Institut de mémoire des éditions contemporaines) à Caen avec qui nous avons un partenariat et qui est le 2e centre en Europe de conservation des documents et archives après la Bibliothèque nationale de France (BNF)», indique Joumana Hobeïka. Laquelle signale, par ailleurs, que le directeur littéraire de l’IMEC, Albert Dichy, qui sera présent à l’inauguration, est lui-même un ancien de Jamhour. «Nous sommes, également, en train de former un comité d’orientation pour ce centre dont le parrain est Gabriel Yared et qui comprendra des représentants des trois grands festivals libanais: Baalbeck, Beiteddine et Byblos», ajoutent les deux jeunes femmes qui veulent par tous les moyens sensibiliser le public libanais à «sa» musique. Notamment en instaurant «une newsletter qui donnera l’actualité des compositeurs libanais à travers le monde», signale encore Kayali.
«L’inauguration de ce Centre du patrimoine musical libanais vient marquer le 10e anniversaire du Centre sportif, culturel et social de Jamhour. Et, à cet effet, Harout Fazlian a mis au point une programmation spéciale pour les “Flâneries”, chaque mercredi, à travers le patrimoine musical libanais», souligne pour sa part Joumana Hobeïka. Ajoutant que « ce centre, installé dans un premier temps dans cette salle-vitrine de ce Centre culturel, sera transposé plus tard – une fois qu’il se sera étoffé en archives – dans un espace spécifique toujours au sein du campus». Un pari et une promesse que ce collège s’engage à tenir.
Car «jamais le sentiment de devoir préserver un patrimoine n’a été aussi intense. Il s’agit là d’une façon d’ériger la musique comme dernier rempart contre la marchandisation du monde»!

*Ouvert au public tout au long de l’année, du lundi au vendredi, de 14h à 20h.