Éducation

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À propos d’éducation...

L'éducation est un travail long et pénible. Très bien. Le message est clair, pigé, compris.... Mais non digéré. Au lieu d'adopter une attitude négativiste et plaintive, ruminer en son for intérieur les contraintes et les peines de l'éducation, il vaut mieux prendre une attitude positive. Au lieu de maudire la nuit, allume une bougie, dit un proverbe chinois. Alors, partant de ce raisonnement, je dirai que l'éducation est un travail agréable d'écoute, de patience, de partenariat, d'accompagnement et de bienveillance.

Un travail d'écoute en ce sens que c'est un travail d'attention et de concentration, d'ouverture sur l'autre, de réceptivité et de communication. Quand je dis écouter, je ne dis pas seulement laisser les autres parler, leur demander de reformuler en termes clairs et intelligibles, mais écouter dans le sens de bien comprendre, de se projeter en nos élèves et comprendre ce qu'ils vivent, ce qu'ils ressentent. Et très fréquemment, ils nous envoient des messages par leur façon de s'asseoir, leurs moues, leurs yeux renfrognés, leur silence, leur refus de nous parler et de nous adresser la parole. Une fois démoli ce mur qui nous sépare, le contact naît, le courant arrive à passer, et c'est le premier pas vers une bonne communication.

Rousseau a écrit, il  y a presque deux cents ans: «Oserais-je exposer ici la plus grande, la plus importante, la plus utile règle de toute l'éducation : ce n'est pas de gagner du temps, c'est d'en perdre ». Il m'a fallu attendre trente ans pour enfin comprendre ce que Rousseau entend par perdre du temps. J'ai compris partiellement sa pensée en découvrant que « l'expérience est le nom que les hommes donnent à leurs erreurs passées ». Mais cette interprétation est étriquée. En effet, Rousseau a voulu sans aucun doute nous dire qu'en éduquant un élève, il faut donner du temps au temps, « se contenter de suivre et d'aider la nature » (Fénelon). Donnons à nos élèves le temps de réfléchir, d'acquérir de l'expérience, de discerner, de connaître leurs capacités, leurs limites, leur réalité afin de faire un libre choix, donnons-leur le temps nécessaire pour se passer du secours d'autrui c'est-à-dire pour devenir autonomes. Ne les pressons pas de brûler les étapes, tel un fruit sur un arbre que l'arrivée précoce du printemps ferait prématurément fleurir. Laissons-les mûrir afin de ne pas altérer leur personnalité, pour leur permettre d'être ce qu'ils aspirent à devenir.

L'éducation, un partenariat, c'est-à-dire que le savoir n'est pas le seul apanage du professeur ou du tuteur. L'enseignant ne doit pas avoir honte de le dire de vive voix, et ce pour deux raisons : d'une part, il crédite ses élèves d'un intellect indispensable à leur mise en valeur, d'autre part, il les aide à se rendre compte de la dimension limitée de l'homme. Certes, il n'y a pas plus grand plaisir pour un enseignant que de voir ses élèves attirer son attention sur une vérité qui lui a échappé, une réflexion à côté de laquelle il est passé, un plus qui manquait à son savoir. Il n'y a pas plus grande joie que celle de nous voir dépassés par nos élèves si bien que plus tard nous serons fiers, non pas de les entendre dire qu'ils ont été nos élèves un jour, mais plutôt fiers de réaliser que nous avons œuvré pour l'évolution du progrès, et admettre qu'on a tiré du savoir et qu'on s'est enrichi en les enseignant.

Un travail d'accompagnement et d'orientation. Il ne s'agit pas simplement d'interpréter les paroles de l'élève, de le soutenir, de le rassurer, de lui donner conseil, de l'évaluer... Il s'agit de l'écouter dans ses moments de peine, de joie, d'hésitation ou de crise, de laisser (et non faire) sortir de lui la ou les solutions à un problème qui le tracasse, qu'il fasse lui-même, après réflexion personnelle (et que ça prenne le temps qu'il faudra), après avoir bien pesé le pour et le contre, le choix en toute liberté, si bien qu'il n'aura pas à regretter ce choix plus tard. Il doit assumer sa liberté. Il est condamné à être libre, à compter sur lui-même, à se passer du secours d'autrui, à devenir autonome.

Enfin, l'éducation est un travail de bienveillance. Le grand point de l'éducation, c'est de prêcher l'exemple. On pense surveiller nos élèves, mais ce sont eux qui nous surveillent. Ils sont à l'affût du moindre faux pas de notre part. Ils nous épient, nous évaluent, nous jugent, et leur verdict et sans merci et sans appel. Faut-il leur rendre la pareille ? Jouer avec eux au chat et à la souris? Bien sûr que non. L'enseignant doit avoir une disposition d'esprit inclinant à l'ouverture, la compréhension et la justice.

Georges Abi Aad

Enseignant d'arabe en 5e et 4e CSG